Monday 22 February 2010

Le Globe met fin à 400 ans d’exclusivité masculine

A Londres,sur la rive Sud de la Tamise, le théâtre du Globe va pour la première fois de sa prestigieuse et longue histoire accueillir une pièce écrite par une femme. Une toute première.
Crée en 1599, brûlé en 1613 puis reconstruit, et enfin fermé par les puritains en 1642, il est réputé pour son exploration exubérante de l’oeuvre Shakespearienne et pour avoir affiché une très distincte discrimination envers les femmes. Aucune comédienne n’était autorisée à monter sur les planches à l’époque de William ; il était encore moins imaginable d’y voir représentées des pièces écrites par des femmes. La tradition tînt jusqu’à aujourd’hui.
Nell Leyshon, 48 ans, a été sollicitée par le Globe pour la création d’une nouvelle œuvre. Originaire de Glastonbury et résidant dans le Somerset, remarquée pour ses pièces, elle se dit ravie du privilège qu’elle considère aussi comme un challenge. Nell note cependant au Guardian que l’exception faite aux femmes en matière théâtrale n’est pas un fait exclusif au Globe. Elle dit en avoir déjà constaté les contours : « Lorsque j‘ai commencé à écrire pour le théâtre, les gens disaient « c’est une femme qui écrit » et je n’ai jamais saisi cela », précisant amèrement que, a contrario et à raison, personne ne note jamais le genre d’une écrivain ou encore d’une journaliste. La pratique archaïque est vraisemblablement tenace dans le milieu théâtral qui compte seulement 23% de femmes parmi ses auteurs et metteurs en scène d’après la compagnie militante Sphinx. Sa pièce sera donc dense et conflictuelle pour trancher avec l’opinion généralement admise selon laquelle les femmes ne sont pas douées pour cela. Elle souligne aussi qu’« il est beaucoup plus extravagant d’écrire pour le globe. Vous devez faire corps avec la nature de l’espace et du public ». La pièce jouera donc avec ce grand espace si particulier et son public disposé en cercle autour de la célèbre scène toute de bois faite, le « wooden o ».

« Bedlam » se tiendra à l’Automne prochain.

Le thème artistique annoncé par le Globe pour la nouvelle saison d’Avril à Octobre 2010 est celui des « Rois et voyous » (« Kings and Rogues »). La pièce de Leyshon concorde parfaitement avec la thématique.
Son histoire dresse en effet le portrait fictionnel de Bethlem, l’asile psychiatrique notoire de Londres, durant l’épidémie de Gin qui eut lieu courant du XVIII siècle, de1720 à 1750. A cette époque le gin était ramené de la région des Flandres, des Pays-Bas et du Luxemburg par les troupes Anglaises qui y menaient la guerre. Le gin devînt rapidement la boisson phare des classes indigentes étant donné sa distribution incontrôlée, une simple notice publique permettait l’obtention d’une licence au bout de 10 jours, et un faible coût. Les distributeurs arpentaient les rues, les débits dépassèrent bientôt ceux de la bière et des ales. En pleine révolution industrielle, les conditions de travail poussèrent de nombreux travailleurs pauvres à se maintenir dans un état d’ébriété constante. Tant et si bien que le phénomène se mua en épidémie et Londres vit sa population décliner dramatiquement pour cause d’ivresses à mort. Des mesures prohibitives furent prises et aboutirent à une vague d’émeutes. L’hôpital psychiatrique était, à cette époque, un lieu de perdition dont les patients étaient les curiosités qu’on visitait le Dimanche. C’est dans ce climat délictueux que les personnages-patients de la pièce « Beldam » s’inscriront : des poètes hypocondriaques, des peintres assassins ou encore des vendeurs de gin, tous plus décadents les uns que les autres. Nell Leyshon a choisi un sujet dur qui devrait donner à voir une pièce tendue et dense, loin de toute mièvrerie.