Monday 15 March 2010

Londres, clou du spectacle vert

A l’Est de Londres, à Hackney, le Brooklyn Londonien, se trouve Arcola, le premier théâtre vert de la ville. Son hall nous accueille dans une ambiance détendue à la lumière douce diffusée par des diodes fluorescentes, des objets de récupération meublent l'espace cosy réchauffé par du plancher. Sur le bar une insigne clame: « la nourriture bio et le commerce équitable améliorent la qualité de vie de chacun ». Dans ces beaux volumes qui abritent 3 salles de représentations, il n’y a pas de néons fluos, de flash lumineux ou de ventilation. Son café-bar qui domine le hall ne sert que de la nourriture bio issue du commerce équitable dont les ingrédients sont produits localement. Et tous les dimanches des ateliers sur le DD sont animés pour la communauté locale. Arcola s’investit. Créé en 2000, le théâtre s’est tourné dès 2004 vers un mode de production culturelle durable. Aujourd'hui, trônent dans ses bureaux le titre de meilleur business vert en 2008 et le Globe de l’énergie du Royaume-Uni 2009. Ben Todd, son directeur exécutif, raconte pourtant qu'au début : « Il n’y avait pas d’argent, seulement une vision. » Grâce à des subventions du quartier et de la ville, d'un petit prêt du Conseil des Arts, l’équipe du théâtre se débrouille et récupère gratuitement quelques matériaux, comme ces diodes qui ont d’ailleurs permis une réduction de 60% sa consommation d’énergie. A l'étage du bâtiment, un laboratoire expérimente de nouvelles installations d’énergie et de lumière, témoignant de l’ingéniosité et de l’enthousiasme qui portent ce projet. Le credo de Ben Todd, spécialisé dans les énergies renouvelables, c’est initier un changement des mentalités : « Quoi de mieux que l’art, comme mécanisme culturel, pour parvenir à ce changement ? » Plus original, l'Arcola Theatre ne communique que localement sur ses représentations pour « éviter le déplacement de spectateurs depuis l’ouest de la capitale ». Mais ce théâtre reste une exception dans une capitale qui compte une myriade de petites structures peinant à investir dans le vert. C'est pourquoi est né le programme Ecovenue en septembre 2009. Aux commandes : le Theatre Trust (TT) sur demande de la mairie de Londres. Le TT conseille, finance et surtout met en contact avec des prestataires techniques. Aujourd'hui, 80 théâtres ont déposé un dossier de candidature : 48 d'entre eux seront sélectionnés et aidés dans leurs changements d'infrastructure, tels le bâtiment, l’auditorium, la scène, les coulisses, les consommations d'eau et de gaz… Pour Tim Atkinson, en charge des questions immobilières au TT, "les bénéfices de ce programme vont au-delà du secteur culturel". Mhora Samuel, directrice du TT, s'empresse d'ajouter qu'"il ne s'agit pas seulement d'écologie, le développement durable, c'est aussi une vision sociale, un changement des mentalités".
Si la mairie de Londres s'inquiète tant des émissions de CO2 de ses théâtres, c'est qu'elles sont phénoménales : 50000 tonnes par an, dont 35000 tonnes qui sont dues au transport du public. Des chiffres à l'image d'un secteur qui attire 13 900 000 de visiteurs chaque année et injecte 2,6 millions d'euros dans le PIB. Conscient de cet impact, le maire Boris Johnson a lancé, en 2008, le « Green Theatre Plan » qui vise à réduire de 60% les émissions de CO2 d’ici à 2025. En charge du programme, Julie’s Bicycle est une organisation spécialisée dans les liens entre écologie et industrie musicale. Sur le terrain, elle examine au plus près les établissements, organise la récolte des données et motive les actions collectives de changement des pratiques. « Notre objectif est de parvenir à instaurer une charte d’engagement », confie Catherine Langabeer, chef du projet. Si les théâtres se montrent réceptifs à cette métamorphose, c'est aussi parce qu'ils y sont « forcés ». Ils doivent en effet déjà montrer patte blanche en publiant leurs bilans annuels de CO2 dans le cadre du Carbon Tax Commitment. Mais le travail d'enquête est vaste : il faut revoir les matériaux utilisés pour la construction des plateaux, les installations de lumières, l'organisation des tournées…. Les gros théâtres tels que le National Theatre sont les mieux adaptés financièrement pour adopter des règles écologiques. Celui-ci a déjà mis en place le « Big Switch Off » : l’extinction des projecteurs jusqu’à 35 minutes avant le début du show, ce qui a permis d'économiser 1400 euros par an depuis 2008 et 30% de l’énergie totale. D’autres actions telles que la baisse des thermostats des chauffages des salles et des scènes, la réduction de l’air conditionné ou la fin des lumières externes en journée ont permis des gains de 8 à 12% sur la facture énergétique. Chut, les trois coups ont frappé ! La révolution verte débute sur les planches.