Tuesday 27 April 2010

Carol Ann Duffy

Mercredi 6 mai 2009

L’actrice

Femme poète, gay et au service de la reine d’Angleterre. La Poet Laureate met fin à 341 ans de machisme. à Londres

La Cour d’Angleterre vient de nommer sa nouvelle plume officielle. Et, pour la première fois en quatre siècles, surprise, c’est une femme, et pas n’importe laquelle…

Carol Ann Duffy, une poète écossaise, dont les œuvres jouissent d’un bel engouement populaire et d’une solide reconnaissance des critiques – elle dit « aimer les mots simples » même si elle reconnaît « les utiliser d’une façon compliquée » – est non seulement la première lauréate de ce XXIe siècle (son prédécesseur Andrew Motion avait été nommé en 1999), mais elle est aussi la première femme à être désignée poète officielle de la Reine.

Après 341 ans de domination mâle sur la fonction (qui revint à Wordsworth, à Alfred Tennyson, à Ted Hughes…), c’est donc au tour d’une poète d’occuper cette charge. Poète qui s’affiche homosexuelle, de surcroît.

C’est d’ailleurs cette préférence sexuelle qui avait, officieusement, « justifié », en 1999, le refus de Tony Blair de la voir accéder à ce poste alors qu’elle partait grande favorite. Son homosexualité et sa relation avec la poète écossaise Jackie Kay furent prétextées comme une possible « source d’inquiétude » : qu’aurait pensé l’Anglais moyen ?

Mais les mœurs changent… et Carol Ann aussi. Celle qui déclarait en 1999 « ne pas vouloir faire ça » a finalement accepté la mission, et pour dix ans.

« Puisqu’ils n’avaient jamais eu de femme » et dans un souci de reconnaissance des femmes poètes, Carol Ann Duffy a donc dit oui. Mais elle a tenu à préciser qu’elle n’écrirait que « sur ce qui l’inspire ». Elle envisage d’ailleurs de consacrer les 5.750 livres reçues grâce son nouveau titre à la Société de la Poésie à la création d’une récompense qui serait décernée à la « meilleure œuvre poétique de l’année ». « J’ai pensé qu’il était mieux de rendre à la poésie ce qui lui revenait », explique-t-elle.

Ce qui ne l’empêchera pas de profiter de ses nouvelles prérogatives : elle aura le plaisir de déguster les quelque 600 bouteilles de sherry qu’elle a demandé de recevoir à l’avance – son prédécesseur les avait attendues vainement.

Cela dit, les récompenses, elle connaît : en 1995, elle fut nommée officier de l’ordre de l’Empire britannique, et commandant du même ordre en 2002.

Celle que Gordon Brown considère comme une « véritable poète brillante et moderne » est née le 23 décembre 1955 à Glasgow. Elle est issue d’une famille peu lettrée, mais ses parents ont ardemment encouragé l’éducation de tous leurs enfants, et Carol Ann Duffy a commencé à écrire très tôt dans la vie.

Elle vit aujourd’hui à Manchester où elle est « directrice de création de l’école littéraire » à l’université Metropolitan. Elle écrit aussi des livres pour enfants, ainsi que des pièces de théâtre. Le temps, le changement et la perte sont ses thèmes de prédilection.

Son œuvre est déjà étudiée dans les cours de littérature et de poésie. Bien qu’on eût pu craindre de ce fait une mythification de son œuvre, elle continue à parler pour les femmes et à servir le féminisme. Ainsi, dans le recueil La femme du monde, elle rend leur place aux femmes, qu’elles soient épouses, amies ou sœurs des hommes célèbres et mythiques qui ont traversé l’histoire à l’instar de Mida, la reine Kong ou encore « Frau Freud ».

Pince-sans-rire, Carol Ann tient à ajouter que son seul point commun avec Philip Larkin, célèbre poète anglais contemporain, est qu’ils sont « tous deux des poètes lesbiens ».

Pour autant, elle refuse un rôle d’icône gay réducteur, et préfère de loin qu’on l’appelle poète et non poétesse.

1955 Naissance à Glasgow.
1977 Elle reçoit le diplôme d’honneur de philosophie à l’université de Liverpool.
1982 Première pièce de théâtre : « Prends mon mari ».
2002 Commandant de l’ordre de l’Empire britannique.
2005 Lauréate du prix T.S. Eliot décerné par la Société du livre de poésie d’une valeur de 10.000 livres pour son recueil « Rapture ».
2007 « The Hat », recueil pour enfants.

http://archives.lesoir.be/carol-ann-duffy_t-20090506-00MXDA.html